samedi 29 octobre 2011

Same same but different


Cette expression laotienne résume à elle seule notre court passage dans la vie locale de Luang Prabang.

En tant que HelpX, on a un statut un peu particulier, à cheval entre 2 mondes « same same but different », celui du « Staff » lao (le personnel) et celui des Expat’, et c’est une excellente occasion de pouvoir observer ces 2 mondes, qui partagent un même lieu de vie mais sont clairement différents !

D’un côté, travailler au resto nous donne une vraie belle occasion de côtoyer les travailleurs laos, de partager un peu de leur quotidien et d’en apprendre beaucoup sur les conditions de vie du pays. En résumé, salaires très faibles (entre 25 et 100 € / mois pour des semaines de plus de 60h), travail jeune (une bonne moitié du staff à moins de 20 ans), système D (certains dorment sur place, d’autres viennent tous les jours avec leurs bébés…) et volonté forte de faire des études et de se former, à l’anglais notamment. Luang Prabang étant une ville très touristique et le resto dans lequel on bosse étant assez classe (repas complet pour environ 10€, alors qu’on peut manger sur le marché très correctement pour moins d’1€ par tête), les laos qui bossent ici sont conscients de l’écart entre leur niveau de vie et celui des touristes, ce qui expliquent qu’ils ont parfois du mal à comprendre pourquoi nous venons « bosser » à leurs côtés.

C’est d’autant plus vrai qu’ils côtoient quotidiennement des expatriés, qui, pour le coup, ont un niveau de vie vraiment différent. Pour en faire un portrait rapide – légèrement critique et caricatural – il s’agit bien souvent de quarantenaires, arrivés ici il y a une petite dizaine d’années avec un petit capital leur permettant d’investir dans un premier business, au départ avec des envies d’aventures et d’évasion. La vie passant, les expat’ multiplient le nombre de business qu’ils ont (notre hôte gère un resto, un bar piscine branché et possèdent plusieurs terrains et maisons en location), augmentent la taille de leur staff mais pas leur salaire (ici, plus de 40 employés pour 2 établissements), tentent de leur offrir des conditions de travail meilleure à la moyenne nationale (souhaitent-ils se donner bonne conscience ?), se marient avec des locaux (si j’étais médisant je préciserai que ces locaux ont en moyenne 20 ans de moins), passent le plus clair de leur temps en autarcie (Vinh, un éminent membre franco-vietnamien de cette communauté résumait cet aspect en une charmante expression : « Chez les expats, quand tu pètes, tout le monde le sent ! »), notamment à boire dans les établissements tenus par d’autres expats (les bars à phalangs), et coulent une vie calme et paisible en captant une part importante des fruits du tourisme local. Seuls petits soucis, ils éprouvent parfois quelques difficultés avec la police. Le Laos étant sous régime communiste, la propriété privée et la liberté d’entreprendre sont relativement limitées, mais bon, tout ça se règle assez facilement, en utilisant un porte-nom lao ou en corrompant gentiment quelques fonctionnaires.

Bref, pour employer des grands mots, on en arrive à une sorte de colonialisme économique, mené par de grands enfants inconscients qui sont partis « prendre du bon temps » dans un pays exotique ! Le tableau est un peu noir, et il ne faut pas généraliser (Nathalie, notre hôte HelpX a conservé son amour pour ce pays et n’est pas tombée dans les dérives du système expat’) mais le phénomène est assez marquant dans cette belle ville de Luang Prabang.

Du coup, nous, on a le cul entre 2 chaises, souhaitant vraiment découvrir la vie locale mais étant confrontés d’une part, à une position d’infériorité que se donnent certains laos habitués à être infantilisés par les expat’, et d’autre part, aux sollicitations de la communauté d’expats qui cherche à rencontrer de nouvelles têtes pour faire varier un peu leur quotidien festif et répétitif.

Cette pause dans notre voyage fût très intéressante et reposante, mais il s’agit maintenant de reprendre notre chemin, pour ne pas s’enterrer ici et glisser peu à peu vers les charmes apparents de la vie d’expat’ (ce qui peut vite arriver si on se laisse trop porter par les choses).

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