Enfin, nous y sommes arrivés, non sans mal…
Ushuaia ou le bout de la Terre, ville la plus australe du monde (ce qui est en réalité inexact, Puerto Williams sur la partie chilienne de l’île est plus au Sud encore, mais la vérité est malléable quand il s’agit d’attirer les voyageurs). Assurément, nous sommes venus ici par curiosité, pour découvrir l’ambiance qui règne sur Terre de Feu, pour voir à quoi la vie peut bien ressembler sur ce point de la carte qui paraît si mystérieux… Mais, il ne faut pas se le cacher, le côté symbolique d’une étape au bout du monde a fortement pesé dans la balance aussi. Et c’était plutôt nécessaire… La perspective de se cailler sérieusement, ce qui est normal ici, cumulée avec des prévisions météos qui ne faisaient pas rêver… La réputation des tarifs exorbitants pratiqués ici… Les 12 heures de bus nécessaires à la descente… et pour couronner le tout, l’entente entre toutes les compagnies de transport pour pratiquer des tarifs ahurissants pour quitter les lieux (on a croisé nombre de voyageurs qui prolongent significativement leur stop ici, dans l’attente de trouver un bon plan pour s’échapper)… Au final, on a pesé le pour, puis le contre, puis de nouveau le pour, et on a clôt le débat sur un commun accord (« maintenant qu’on est là, ce serait vraiment bête de ne pas y aller, l’opportunité ne se représentera surement pas de sitôt ! »). On finit par y aller et prendre le risque de se faire du mal budgétairement pour aller se faire mouiller alors qu’on est bien au chaud un peu plus haut.
Première impression, un trajet en bus encore scotchant, la traversée du détroit de Magellan, deux passages de frontière, quelques stops dans des « villages » de 3 voire 4 maisons…. et des paysages incroyables qui défilent! Cela débute par une longue traversée du désert (relativement similaire à celui observé plus au Nord), puis débouche sur une arrivée subite dans des massifs montagneux aux cimes enneigées, des lacs embrumés, et surtout de grandes forêts aux nuances jaune, orange et surtout rouge vif. C’est l’automne par ici, et à première vue on pourrait croire que le nom de l’archipel, Terre de Feu, provient de la couleur de ces feuillages. L’origine est en fait tout autre : ce nom a été donné par les premiers colons qui, à l’approche des côtes, distinguaient de très nombreux feux sur l’île, dont certains en mouvement. Les Selknams, premiers habitants de la région, vivaient intégralement nus, se recouvrant le corps de graisse animale; Pour se protéger du froid, ils allumaient donc de nombreux feux, y compris sur leurs bateaux (à l’aide de foyers en pierre qu’ils disposaient au centre de leurs embarcations). Tout ça est maintenant bien fini, les gens sont maintenant équipés de doudounes dans les parages; sauf Nicolas Hulot, qu'on a croisé qui déambulait à poil dans les rues d’Ushuaia, on confirme bien qu’il n’était pas armé pour la Présidentielle…
Deuxième impression, à la sortie du bus, Ushuaia, c’est pas terrible ! Un grand port, sans charme apparent, peu de patrimoine architectural, des constructions à la va-vite et qui ne semblent pas très réfléchies, des boutiques pour touristes sans grand intérêt… Petite déception, mais qui s’échappe vite lorsqu’on tourne le regard vers les montagnes ou vers le détroit de Beagle. D’autant plus que pour une fois, la météo a été plutôt pessimiste, il fait froid, soit, mais la pluie / neige fondue est très limitée et le soleil se montre régulièrement.
Troisième impression, il y a quand même un truc particulier dans l’atmosphère de cette ville. C’est effectivement le bout du monde, on se sent vraiment isolés, à l’écart. Les choses avancent lentement, au-delà des navires qui passent et des quelques avions qui décollent, la vie ici semble très réglée, calme et presque douce. La modernité est présente, mais pas envahissante. Sortis de la ville, au bout de quelques centaines de mètres, on se sent vraiment petit face aux éléments, le relief est dur, le climat aussi. Les espaces naturels sont encore très vierges, les animaux présents en abondance. On trouve au final une vraie authenticité, celle qui semble d’apparence manquer à la ville en elle-même.
Dernière impression, la plus étrange, celle d’être à Ushuaïa…. Chaque action, aussi anodine soit elle, prend un sens particulier : prendre un bus à Ushuaia, se cuisiner une ratatouille à Ushuaia, boire un verre avec des brésiliens à Ushuaia, faire des randos à Ushuaia… Tout ça résonne étrangement, on y est, c’est étrange, et assez surréaliste !
PS : Ah non, il y a encore une autre impression, un peu amère celle-çi : celle de se faire effectivement racketter par les différentes compagnies de bus pour parvenir à s’échapper d’ici, et de se dire qu’on a eu tort de se croire plus malins que les autres, qui eux ne savent probablement pas s’y prendre … c’est pas comme si on avait pas été prévenus !