mardi 27 mars 2012

La recette Navimag


Prenez le Sud Chili, une bande de terre au relief très montagneux de plus de 1000 kilomètres de long, s’étalant de Puerto Montt à Puerto Natales et totalement dépourvue de route (sauf si on accepte de traverser 2 fois les Andes et de faire le détour par la steppe patagonienne côté argentin).

Y versez un océan, le Pacifique, venu s’engouffrer au milieu des nombreuses vallées glaciaires, créant ainsi de gigantesques fjords.

Incorporez-y un navire cargo, l’Evangelistas, grande coque d’acier colorée, initialement dédié au transport de marchandises, et qui met maintenant à profit son aller-retour hebdomadaire pour embarquer quelques passagers et leur offrir un compromis idéal : suffisamment confortable pour bien dormir, et suffisamment rudimentaire pour préférer passer son temps sur le pont plutôt qu’en cabine (qu’on partageait avec Benou, un gentil allemand qui a du être ravi de se retrouver dans une cabine de 4m² avec un couple !),

Garnissez-le d’une petite cinquantaine de voyageurs (sur une capacité totale de 250), de tous horizons, âges et origines qui ont à cœur de faire des rencontres pour ne pas se taper une traversée en solitaire et de transformer ce long trajet en une jolie aventure humaine.


Ajoutez-y un équipage chaleureux, qui concocte des repas qui tiennent au corps, connait sur le bout des doigts la recette du « pisco sour » et offre chaque jour des activités (films, exposés, animations diverses) centrées sur la découverte de l’environnement traversé ; on y apprend notamment comment le Capitaine Leonidas a volontairement planté son sucrier en plein fjord pour en détourner la marchandise tout en faisant marcher l’assurance ; comment la plaque tectonique sud américaine chevauche la plaque de Nazca sur toute la longueur du Chili, ce qui provoque de très réguliers séismes (encore un de magnitude 7,2 dans la Nord du pays pendant notre "croisière") ; ou encore d’où provient le nom des « canards vapeur », oiseaux dépourvus d’ailes et se déplaçant en pédalant à la manière des grands bateaux à roue du Mississipi ;

Laissez reposer pendant 4 jours et 3 nuits, sans n’avoir quoi que ce soit à penser et sans aucun réseau de communication, avec pour seul stress celui de ne pas être sur le pont au moment où une baleine de Minke décide de faire irruption et de venir « souffler » à proximité du bateau.

Agitez fort pendant 12 heures, le temps de navigation en plein océan nécessaire pour contourner la « Laguna San Raphael », qui a pour effet de réduire sensiblement le nombre de personnes présentes à table le second soir et de perturber la lente descente sur les eaux paisibles des Fjords chiliens.

Faites revenir à température variable, alternant entre le soleil chaud et sa réverbération fourbe, les vents frais qui incitent à superposer les couches et déglacez au pied de l’immense glacier Pio XI et de ses nombreux voisins ;

Enfin, épicez largement avec des moments inoubliables : l’escale à Puerto Eden (107 habitants), l’unique village de la région perché sur une petite île au milieu des fjords ; l’apéritif convivial et improvisé sur la pointe du bateau, au pied de la langue bleue d’un glacier large de 300m qui vient se jeter dans la mer ; le french cancan expressif d’une pédopsychiatre rouennaise retraitée sur les accords d’un grand gaillard russe qui chante à pleine voix ; les nombreux récits de voyage qui ont fait naître en nous des envies d’aller en Norvège, au Nicaragua ou encore en Islande ; la longue observation du ballet des albatros devant la pointe du navire; etc etc...


Servez sans modération et soyez sûr qu’on vous en redemandera ! 

1 commentaire:

Mélinée a dit…

Je sais que tout le monde s'en fout mais je ressents une certaine fierté à dire que c'est moi qui assure ce magnifique navire!(et que mon chef se fait offrir ce genre de croisière lorsqu'il va rencontrer notre client... c'est bizarre moi on m'envoie aux Pays-Bas. Mais je me plains pas, hein! j'adore les sandwichs et le lait)